Haut-Allier, la Ribeyre
Sur un territoire aussi varié que l’Auvergne en termes de paysages, marqué notamment par les manifestations innombrables de son passé volcanique, fleuves et rivières ne pouvaient se contenter d’inciser la roche qu’en de vulgaires vallées. Des plus emblématiques, il en est une à nulle autre pareille, sauvage, impressionnante et aux multiples facettes. Elle traverse le département de la Haute-Loire du Sud au Nord et, riche de sa diversité, patchwork exceptionnel d’écosystèmes différents, elle est un monde, unique, la vallée du Haut-Allier.
La rivière, tantôt paisible, large et assagie, comme lors de sa traversée du bassin langeadois, tantôt fougueuse et indomptable lorsqu’elle s’enfonce dans ses gorges, a composé une véritable mosaïque paysagère tout au long de son cours altiligérien.
La Ribeyre, qui correspond à la vallée de l’Allier entre Chilhac et Vieille-Brioude, réunit toutes les composantes de ce territoire diversifié et plus encore. Elle en constitue un savant mélange fait d’un paysage de gorges, vallée profonde aux versants abrupts, avec suffisamment d’espaces larges et plats pour permettre l’agriculture et l’installation des hommes.
la Ribeyre : vallée secrète, vivante et animée depuis des millénaires
En franchissant le pont de Vieille-Brioude, construit pour remplacer l’ancien, façonné, d’après la légende, par la main du Diable et qui s’était effondré en 1822, je ne suis pas tout à fait sûr que la vallée que je m’apprête à visiter n’est pas l’œuvre d’une intervention divine. En effet, quelle que soit votre porte d’entrée sur ce territoire, l’impression de pénétrer dans un sanctuaire est toujours la même.
Secrète, intimiste, et pourtant largement mise en valeur par les générations successives de femmes et d’hommes depuis des millénaires, la Ribeyre dégage une atmosphère particulière. Cicatrice profonde, frontière naturelle entre le nord de la Margeride et le plateau de la Chomette, elle passe presque inaperçue, à ce point discrète dans le paysage que les milliers de personnes qui empruntent, chaque jour, la route nationale entre Brioude et le Puy-en-Velay, ne devinent sa présence.
Elle offre pourtant des panoramas magnifiques mais elle ne se dévoile réellement qu’à celui qui prend le temps de la parcourir. En empruntant la route ou les chemins, nombreux, qui suivent peu ou prou le cours de la rivière, voire en naviguant, vous ne saurez deviner si ce que vous avez sous les yeux est l’œuvre de la nature, de l’Homme ou d’une puissance mystique.
La Ribeyre : la pierre, omniprésente dans le paysage
Taillée dans le socle cristallin par l’Allier, puissante rivière dont le cours tortueux a généré quelques méandres magnifiques, la vallée, comme tout au long de son cheminement en Haute-Loire, est caractérisée par l’omniprésence de la roche dans le paysage. Toutefois, et peut-être est-ce là la singularité du Haut-Allier dans son ensemble, la pierre, qui constitue un élément incontournable du paysage naturel, et qui contribue à l’aspect sauvage et grandiose de celui-ci, est également à l’origine d’un patrimoine architectural impressionnant.
Outre le granite de la Margeride qui affleure un peu partout dans la vallée, le volcanisme a également fortement participé à façonner le décor unique de la Ribeyre.
Les falaises du Blot, « muraille » basaltique qui s’étend sur plus de 250m à proximité du Chambon-de-Cerzat, qui fût un lieu d’habitat saisonnier il y a déjà plus de 20 000 ans, et qui marquent l’entrée amont de cette partie de la vallée du Haut-Allier, en sont une illustration parfaite. Ces « épanchements », fluides, liés au volcanisme du Devès, et qui sont à l’origine du plateau éponyme, viennent régulièrement ponctuer la vallée de la Ribeyre de ce type de formation géologique, comme à Chilhac par exemple.
Toutefois, si les laves se sont parfois écoulées à la surface de la terre, elles se sont également figées à l’intérieur des fissures et autres cheminées volcaniques qui, mises à jour par l’érosion, sont à l’origine des dykes ou des necks, nombreux dans la région. Les plus spectaculaires étant sans aucun doute ceux de la vallée de Chaudefour, la Crête-de-Coq et la Dent-de-la-Rancune, mais c’est aussi sur ce type de formation géologique que s’est développé la forteresse de Saint-Ilpize, gardienne la vallée.
Mais si la roche, dans son état le plus brut, est indissociable des paysages locaux, elle participe également fortement à son identité à travers le patrimoine bâti. Depuis les nombreux villages qui ponctuent régulièrement la vallée, de Vieille-Brioude à Chilhac, jusqu’aux édifices spectaculaires tels que le château de Saint-Ilpize ou le Prieuré de Lavoûte-Chilhac, en passant par les « tzabones », petites constructions, à la fois abris et remises associées à la culture de la vigne, la Ribeyre se distingue par sa richesse architecturale.
Aujourd’hui, le vignoble de la Ribeyre existe toujours et cette culture, qui a failli disparaitre en même temps que les terrasses, pourrait être la solution pour offrir une deuxième vie aux coteaux de la vallée.
la Ribeyre : le saumon
Je suis maintenant sur le pont du Chambon de Cerzat. Je viens de laisser la falaise du Blot derrière moi et m’apprête à franchir une dernière fois la rivière pour prendre la direction de Langeac et sortir de la Ribeyre. Je scrute la surface de l’eau à la recherche d’un signe d’activité des poissons que je sais nombreux dans la rivière. Cette partie du Haut-Allier fait le bonheur des pêcheurs, notamment à l’automne, qui viennent à la recherche des ombres communs après la fermeture de la pêche de la truite.
Je regarde le cincle plongeur voler à vive allure juste au-dessus de la surface et mes pensées se perdent dans le passé, à une époque où la nécessité de refroidir les centrales n’existait pas, ou il n’y avait pas besoin d’eau pour irriguer des plantes exotiques. Je sais que mes chances de l’apercevoir sont minces, tant cette espèce est de plus en plus menacée d’extinction, mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que Brioude fût en son temps la capitale du saumon.
Changer nos habitudes de consommation est plus que jamais nécessaire pour tenter d’inverser une tendance qui semble malheureusement irrémédiable et faire en sorte que le grand saumon de l’Allier viennent encore longtemps se reproduire sur les frayères du Haut-Allier.
Commentaires
Laisser un commentaire